Municipales à Grenoble : une ligne de départ déjà encombrée

Municipales à Grenoble : une ligne de départ déjà encombrée

La conférence de presse des élus PCF grenoblois sur les municipales pendant la trêve estivale a rappelé qu’en mars 2024, on sera à deux ans du renouvellement.

Alors que personne ne peut mesurer, compte tenu de la sociologie grenobloise, si l’affaiblissement et les divisions de la majorité municipale ont un impact électoral significatif, l’appétit du milieu politique s’en trouve quand même aiguisé. On peut imaginer qu’Eric Piolle et son équipe ont été minoritaires idéologiquement dans l’épisode du burkini et politiquement avec la hausse des impôts de 30%, mais qui sait en effet combien de divisions ont été perdues ?

Du côté de la majorité, les statuts d’EELV interdisant à un maire d’accomplir trois mandats, Eric Piolle ne peut pas se représenter.

Entre la présidentielle à laquelle il n’a pas renoncé et figurer sur la liste de ses amis pour briguer la présidence de la Métropole, peut être choisira-t-il les deux options à la fois. Il a été souvent question d’une femme pour lui succéder, mais les adjointes au maire Maud Tavel, Lucille Lheureux, Margot Belair - des noms parfois cités - ont toutes des handicaps du fait de  la gestion de leur délégation ou d’éléments politiques contingents.

Simon Persico, enseignant à Sciences Po et Emmanuel Bodinier, des proches d’Eric Piolle sont le plus souvent évoqués. Le second avait déjà été soutenu par Eric Piolle pour être le candidat aux élections législatives dans la 3e circonscription pour laquelle Elisa Martin (LFI) a été choisie via l'accord de la NUPES puis élue. Le profil de ces deux hommes confirmerait et accentuerait même l’orientation "sociétale" d’une municipalité plus à l’aise dans les concepts et les chartes que dans le traitement de la vie quotidienne des Grenoblois. Ces candidatures répondraient théoriquement à l’attente d’un électorat "bobo" considéré comme dominant dans la ville.

La question est de savoir si les élus LFI qui ont déjà exprimé des réticences sur le manque d’attention aux catégories populaires, consentiront à demeurer la force d’appoint d’un tel cap.

Elisa Martin, députée ou Alan Confesson, adjoint au maire disposent de la légitimité pour conduire une liste et la question ne peut pas ne pas se poser pour eux, appuyés sur l’électorat capté par Jean-Luc Mélenchon. D’autant qu’à l’extrême gauche, malgré les positions très alignées sur celles d’Eric Piolle, les mécontentements sont nombreux.

Déjà en 2020, des compagnons de route comme Bruno de Lescure, très implanté dans son quartier Berriat, avait conduit une liste, alors sans succès. Depuis lors d’autres partisans de la première heure critiquent sévèrement la gestion municipale, dont l’ex adjoint aux Finances, Hakim Sabri. Il existe là un potentiel électoral à la gauche de la liste EELV (les écologistes) que certains voudraient incarner.

Le troisième pôle de l’ex-majorité qui se rêve devenir le premier est celui de l’autre gauche, la social-démocrate. Son handicap est d’être composé d’autant de "personnalités" que de tendances. Et de comporter un certain nombre d’entre elles qui ont abandonné le PS pour soutenir Eric Piolle en 2020 (comme Maxence Alloto, Anouche Agobian…) qui se retrouvent dans leur camp originel pour la seule raison qu’ils ont été exclus de celui de Piolle. Ou d’autres qui sont entrés dans la vie municipale pour permettre l’élection du maire vert et l’ont soutenu jusqu’à qu’il les exclue aussi, tel Pascal Clouaire, actuel vice-président de la Métropole.

Le groupe PS présidé par Cécile Cenatiempo au Conseil Municipal, tiraillé entre les courants traditionnels, l’obéissance aux consignes du parti qui pourrait lui imposer une alliance avec le successeur de Piolle, ne cache pas son envie de constituer une liste de gauche alternative ou de s’y associer. Une femme très sensible à la question sociale se différencie en ayant assumé ses choix, quitté le PS, et constitué un collectif très courtisé, Hakima Necib. Une liste conduite par Hakima Necib ou Pascal Clouaire constituerait un danger existentiel pour les sortants, répondant à une attente. Car il n’est pas question pour eux de contribuer à les reconduire.

Du côté de la droite et du centre, la position est solidement tenue par Alain Carignon.

Avec 25 % des voix en 2020 il avait obtenu l’un des meilleurs scores de LR dans les grandes villes où le parti n’était pas sortant. Depuis lors le travail important de son groupe a - a minima - consolidé son leadership. Il a souvent déstabilisé Eric Piolle contribuant à l’affaiblissement de la majorité. Face à la situation financière difficile de la ville, il veut transformer son handicap de l’âge en atout de l’expérience pour apporter des solutions. Sa condamnation dans les années 80 -  toujours mise en avant par ses adversaires - est désormais affaiblie par celle d’Eric Piolle pour favoritisme et par l’ouverture probable d’un épisode judiciaire pour Christophe Ferrari, le président de la Métropole. Son défi est de réitérer ce qu’il avait réussi comme maire : l’ouverture qu’il justifie aujourd’hui par le courage nécessaire au redressement de la ville.

Du côté macroniste, Olivier Véran est celui qui s’avance le plus, obstruant l’horizon déjà limité d’Emilie Chalas l’ex-députée battue par Elisa Martin, qui avait mené la liste en 2020 (13% des suffrages). Le ministre très soutenu par le Dauphiné fait des apparitions médiatiques conformément à son style avenant afin de tâter le terrain et ne rien exclure. Ignorant lui-même où il sera en 2026. Le député de quartiers en difficulté de Grenoble, le ministre de la Santé n’a pas brillé ni dans la présence, ni dans la défense des dossiers grenoblois pendant son passage au gouvernement, même s’il a cultivé des sympathies. Beaucoup, y compris chez ses amis, ne le voient pas dans un engagement municipal d’une grande ville avec ce qu’il implique. Ils lui prêtent plutôt  l’ambition de briguer la présidence de la Métropole en se faisant facilement élire Maire de la Tronche, sa commune de résidence.

En tout cas – sauf surprise – c’est autour de ces noms et de ces perspectives que se dessine la préparation des élections municipales. Elles pourraient être plus ouvertes car Grenoble a souvent été une ville d’anticipation et d’opposition avant les autres. Dubedout (65), Carignon (83), Piolle (2014) ont été de ceux-là qui ont ouvert une voie.

Qui incarnera le mieux l’air du temps de 2026 et la réponse aux défis de la ville ?

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